Maison des Arts de Schaerbeek
2022
Exhibition catalogue
FR
Depuis des siècles, artistes et scientifiques étudient la lumière, ses propriétés visibles ou invisibles, et son influence sur notre perception des couleurs. Des définitions aux applications, des caractéristiques physiques aux implications psychologiques, une multitude de questions ont été posées. Que voyons-nous lorsque nous voyons une couleur ? Les couleurs existent-elles vraiment, ou sont-elles simplement inventées par notre cerveau ? Sont-elles seulement de la lumière, sont-elles matérielles, ou est-ce une illusion à laquelle nos yeux croient ? Comment la lumière et la couleur sont-elles si intrinsèquement liées ?
Si nous devions commencer par la simple question « qu’est-ce que la lumière ? », nous constaterions qu’aucune réponse ne satisfait les nombreux contextes dans lesquels la lumière est expérimentée, explorée et exploitée. Le scientifique s’intéresse à ses propriétés physiques, l’artiste à une appréciation esthétique du monde visuel et aux expériences qu’elle peut générer. Grâce au sens de la vue, la lumière est un outil essentiel pour percevoir le monde et y communiquer.
À la plus grande échelle, les interactions de la lumière avec la matière ont contribué à façonner la structure de l’univers. À la plus petite, l’analyse des fréquences de la lumière émise et absorbée par les atomes a été l’un des principaux moteurs du développement de la mécanique quantique. Dans les arts, la lumière a été au centre des grandes révolutions et innovations, de l’impressionnisme à la photographie. La lumière transmet des informations spatiales et temporelles. La vitesse à laquelle elle se déplace est utilisée pour mesurer d’immenses distances, et elle révèle la corrélation entre l’espace et le temps. La lumière est à la base de la vie telle que nous la connaissons sur notre planète, en initiant le processus de photosynthèse. Et depuis la nuit des temps, elle n’a jamais cessé de fasciner l’humanité.
Jusqu’en 1666, il était communément admis que les couleurs résultaient d’un mélange de blanc et de noir, comme l’avait théorisé Aristote.
C’est Isaac Newton qui a montré qu’un prisme pouvait décomposer la lumière blanche en une gamme de couleurs qu’il a appelée le spectre, et que la recombinaison de ces couleurs spectrales recréait la lumière blanche. Environ cent cinquante ans plus tard, précisément en 1810, Johann Wolfgang von Goethe a publié sa Théorie des Couleurs, refusant l’idée du spectre de Newton et suggérant plutôt que l’obscurité est un ingrédient actif de la couleur, plutôt que la simple absence passive de lumière. Parallèlement, Goethe exposait sa théorie de l’impact psychologique des différentes couleurs sur l’humeur et l’émotion - des idées dérivées de l’intuition du poète, qui sont en partie des récits divertissants à la limite de la superstition, en partie des idées prémonitoires corroborées par la science dure quelques deux siècles plus tard, et en partie des manifestations purement délicieuses de la beauté du langage. Il associait le rouge au « beau », l’orange au « noble », le jaune au « bon », le vert à « l’utile », le bleu au « commun » et le violet à « l’inutile ». Ces six qualités ont été attribuées à quatre traits de l’esprit humain: le rationnel au beau et au noble (rouge et orange), l’intellectuel au bon et à l’utile (jaune et vert), le sensuel à l’utile et au commun (vert et bleu) et, fermant le cercle, l’imagination à l’inutile et au beau (violet et rouge).
Si la théorie de Newton était scientifiquement correcte, celle de Goethe fait appel à certains éléments philosophiques, artistiques et psychologiques qui rendent compte de la perception de l’homme, de notre subjectivité. En faisant intervenir les lois universelles de la physique et l’étude subtile des impressions individuelles, les deux théories se révèlent complémentaires, comblant le fossé entre l’objectif et le subjectif.
Dans Couleur/Lumière, dix artistes présentent des oeuvres défiant nos perceptions, utilisant les couleurs et la lumière pour créer des expériences déconcertantes, repenser notre relation à l’espace et à l’architecture, et remettre en question la société dans laquelle nous vivons. Choisissant la direction de l’expérience, des sentiments et de la contemplation, cette exposition est un voyage créant des moments de découvertes intimes sans s’éloigner de la recherche scientifique et technologique. Des artistes établis ainsi qu’émergents investissent les espaces de la Maison des Arts, tantôt en la transformant, tantôt en créant de subtils moments de surprise, pour le plaisir des yeux et la subversion des sens.
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